Chantal COUTURIER LEONI

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La gestation pour autrui – un pas de plus vers la légitimation ?

Le 13 juillet 2017
La gestation pour autrui – un pas de plus vers la légitimation ?

En novembre 2016, le Défenseur des droits Jacques Toubon s’est prononcé publiquement en faveur de la reconnaissance de la filiation non biologique d’un enfant issu d’une gestation pour autrui (dite « GPA »). Selon lui « si l’on veut une reconnaissance de l’identité familiale de l’enfant, il [est] nécessaire de reconnaitre la filiation avec le parent d’intention. Ce sera surement la prochaine question soumise à la Cour de cassation. »[1]

Six mois après cette déclaration, la première chambre civile de la Cour de cassation a donné raison à la prédiction du Défenseur des droits par quatre arrêts rendus publics le 5 juillet 2017[2].

Selon la cour « le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui- même, obstacle au prononcé de l’adoption ».

La Cour européenne des droits de l’homme (dite « CEDH ») est la source incontestable de ce vent de changement jurisprudentiel (I), mais il semblerait qu’aujourd’hui la première chambre civile de la Cour de cassation soit devenue encore plus ambitieuse (II).  

        I.            L’évolution du droit français provoquée par la jurisprudence de la CEDH

Pour rappel, en France la gestation pour autrui est formellement interdite en raison du principe de l’indisponibilité du corps humain.

Cette interdiction explicite de la GPA est inscrite à l’article 16-7 dans le Code civil, érigée comme un des principes fondateurs du droit français.

La jurisprudence a longtemps confirmé la sanction textuelle. Par un célèbre arrêt rendu en Assemblée Plénière en date du 31 mai 1991[3], la Cour de cassation a conclu à la violation des articles 6, ancien 1128 et 353 du Code civil.

Selon les juges, l’adoption d’un enfant issu d’une GPA par le couple d’intention « n'était que l'ultime phase d'un processus d'ensemble destiné à permettre à un couple l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution d'un contrat […] portant atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, ce processus constituait un détournement de l'institution de l'adoption ».

Par conséquent, un enfant, né d’une mère porteuse, ne pouvait établir sa filiation à l’égard de ses parents d’intention en France et ceci même lorsqu’il a été légalement adopté ou reconnu dans le pays de sa naissance. C’est ainsi que la Cour de cassation a refusé la transcription des actes étrangers pour contrariété à l’ordre public français[4] et s’est même opposée à l’établissement de la filiation paternelle[5].

Mais la situation a beaucoup évolué depuis la condamnation de la France, sur fondement de l'article 8 de la Convention (le droit à la vie privée) dans les célèbres arrêts Mennesson et Labassee de 2014[6].

Selon la Cour de Strasbourg, ce droit comprend un "droit à l'identité", lequel implique le droit de voir retranscrit sur l'état civil français le lien de filiation d’un enfant issu d’une GPA à l'égard son père avec qui il possède un "lien biologique", quand bien même le droit national interdirait-il la convention de mère porteuse.

Par trois arrêts rendus en Assemblée Plénière le 15 juillet 2015[7], la Cour de cassation s’est donc inclinée et pour la première fois, la validité de la retranscription d’un acte de naissance étranger fut admise dans une affaire de GPA.

Pour être valablement retranscrit, l’acte devait donc être conforme au droit étranger et à la réalité biologique de la filiation.

      II.            L’ouverture inattendue de l’adoption en matière de GPA en France

Au regard des condamnations successives[8] de la France par la cour de Strasbourg,[9] certains ont pu estimer[10] que la seule véritable marge d’appréciation laissée aux états de nos jours serait d’interdire le recours à la GPA sur le sol national.

Les arrêts de la première chambre civile en date du 5 juillet 2017 semblent de toute évidence confirmer cette impression d’évolution, mais la situation est plus complexe que cela.

Théoriquement la cour européenne des droits de l’homme maintient un positionnement neutre : elle reconnaît une large marge d’appréciation aux états en matière de mère porteuse, tant pour l’encadrement de la pratique que pour son interdiction et les conséquences qui en découlent.

Ainsi, plusieurs pays signataires de la convention européenne des droits de l’homme, tel que la Belgique ou la Russie, autorisent explicitement le recours à la GPA, lorsque d’autres, comme la France et l’Italie l’interdisent.

Toutefois, la cour européenne des droits de l’homme est allée à l’encontre de sa propre ligne directrice jurisprudentielle par un arrêt récent de la Grande Chambre en matière de mère porteuse.

L’absence de condamnation de l’Italie dans un arrêt « Paradiso et Campanelli c / Italie, 25358/12, 24.1.2017 [GC] » a ainsi pu surprendre de par sa sévérité envers les requérants. La cour a conclu à la non-violation de l’article 8 de la convention par les autorités en dépit du retrait de l’enfant de sa famille d’intention.

Dans les faits, l’affaire concernait la prise en charge par les services italiens d’un enfant de neuf mois né en Russie d’un contrat de mère porteuse en l’absence de tout lien génétique entre les requérants et l’enfant.

En premier lieu les juges n’ont pas reconnu l’existence d’une vie familiale dans les faits. Ceci étant expliqué par la brièveté du séjour de l’enfant auprès des parents d’intention, soit moins de neuf mois. Selon la cour, le droit à la vie familiale, découlant de l’article 8 de la Convention, ne protège pas le simple souhait de fonder une famille – il faut d’abord démontrer la réalité de cette vie familiale.

Ensuite, les juges ont estimé que l’atteinte à la vie privée du couple était justifiée et proportionnelle et ce, au regard du but poursuivi par l’état membre : maintenir l’interdiction de la GPA sur le sol Italien telle que prévue par la loi.

Au sein de l’arrêt, certains juges de la majorité estiment que la GPA « qu’elle soit rémunérée ou non rémunérée, n’est pas compatible avec la dignité humaine »[11]. La cour de Strasbourg, qui semblait jusqu’alors valoriser les législations libérales dans leur approche à la GPA, a fait ici un choix radicalement différent. Sans se positionner véritablement, la Cour sous-entend le caractère contestable sur le plan éthique des conventions de mères porteuses[12].

C’est donc dans un contexte complexe et changeant que se situent les arrêts du 5 juillet 2017.

Par des attendus non équivoques, la première chambre civile estime que :

-           « l’adoption permet, si les conditions légales en sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant, de créer un lien de filiation entre les enfants et l’épouse de leur père » (Arrêt n°824 15-28.597 & Arrêt n°825 / 16-16.901 ; 16-50.025) ;

 

-          « le recours à la gestation pour autrui à l’étranger ne fait pas, en lui- même, obstacle au prononcé de l’adoption, par l’époux du père, de l’enfant né de cette procréation, si les conditions légales de l’adoption sont réunies et si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant » (Arrêt n°826 / 16-16.455) ;

 

-          et rappelle que l’acte de naissance étranger, pour être retranscrit en France, ne peut être « entaché de nullité » (Arrêt n°827 / 16-16.495) ;

C’est une véritable révolution en matière de GPA.

La première chambre civile va au-delà de sa position antérieure selon laquelle la filiation paternelle était estimée suffisante au regard du droit à l’identité de l’enfant.

Ainsi, par les arrêts du 5 juillet 2017, l’adoption est explicitement permise par la Cour de cassation.

Bien qu’il ne faille pas sous-estimer l’impact de cette jurisprudence, la portée du revirement est à nuancer : ces arrêts proviennent de la première chambre civile, et non pas de la Cour de cassation en sa forme plénière ou en chambres réunies.

Il est important de souligner que l’interdiction d’adopter un enfant issu d’une convention de mère porteuse par le couple d’intention provenait de l’assemblée plénière (Arrêt de 1991 précitée).

Il n’est pas hors de question de supposer que la saga va continuer tant que la même composition de la Cour de cassation ne tranche pas la même question. Affaire donc à suivre…

*      *       *

*

 

Si vous avez besoin de conseil en matière de gestation pour autrui ou d’adoption, le Cabinet de Maître Couturier Leoni, spécialisé en droit de la famille, pourra vous conseiller en fonction de votre situation et vous aviser sur la procédure à envisager.

 

 Cabinet de Maître COUTURIER LEONI

 



[1] Déclaration du Défenseur des droits Jacques Toubon faite à l’AFP le 17 novembre 2016
[2] Cass 1er Civ, 5 juillet 2017, arrêts 824/825/826/827
[3] Cass. Ass plen., 31 mai 1991, 90-20.105, publié au bulletin
[4] Cass 1re Civ., 6 avril 2011, n. 10.19.053
[5] Cass 1re Civ., 13 septembre 2013, n. 12-18.315
[6] CEDH, arrêts du 26 juin 2014, Mennesson c. France et Labassee c. France, n° 65192/11 et 65941/11
[7] Cass ass. Plen., 3 juillet 2015 (14-21.323)
[8] CEDH, arrêts du 21 juillet 2016, Foulon c. France et Bouvet c. France, n° 9063/14 et 10410/14
[9] CEDH, arrêt du 19 janvier 2017, Laborie c. France, 44024/13
[10] « GPA : un nouveau coup de semonce contre la France par la CEDH » - Lamy - Revue Juridique Personnes et Famille, Nº 3, 1er mars 2017
[11]CEDH arrêt du 24 janvier 2017, Paradiso et Campanelli c / Italie, 25358/12, [GC] 

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