Le déplacement des enfants à l’étranger : Quelles sont les exceptions au retour ?
La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant vise à assurer le retour immédiat, dans sa résidence habituelle, de l’enfant déplacé illicitement.
Mais elle prévoit aussi expressément et strictement les exceptions à un tel retour[1].
Il en va ainsi :
- Lorsque le déplacement a duré plus d’un an (article 12 de la Convention de La Haye)
En principe, lorsque le déplacement illicite a duré moins d’un an avant l’introduction de la demande devant l’autorité judiciaire ou administrative de l’Etat membre où se trouve l’enfant, le retour immédiat de l’enfant doit être ordonné.
Au-delà de ce délai d’un an, l’autorité compétente doit tout de même ordonner le retour de l’enfant, sauf s’il est établi que l’enfant s’est intégré dans son nouveau milieu dans l’Etat dans lequel il a été déplacé[2].
Il convient de préciser que ce délai d’un an court du jour du déplacement ou du non-retour de l’enfant au jour où la juridiction de l’Etat compétent est saisie, et non à partir du jour où le parent a eu connaissance du lieu où se trouvent l’enfant[3].
- L’absence de droit de garde (article 13, a de la Convention de La Haye)
Il ne peut y avoir de violation du droit de garde, si le parent qui demande le retour de l’enfant n’exerçait pas effectivement un droit de garde à l’époque du déplacement.
- Le consentement du parent au déplacement (article 13, a de la Convention de La Haye)
Lorsque le parent consent au déplacement, la Convention de La Haye ne saurait s’appliquer.
La CEDH a d’ailleurs précisé qu’il appartient au parent qui a déplacé l’enfant de rapporter la preuve du consentement de l’autre parent[4].
- L’existence d’un danger pour l’enfant
A savoir, lorsqu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ait pour effet de l’exposer à un danger physique ou psychique ou de le placer dans une situation intolérable.
L’existence ou non d’un danger fait l’objet de l’appréciation souveraine des juges du fond[5].
Pour autant, les juges ne retiennent l’existence d’un danger que dans des cas très significatifs.
Par exemple : la rupture de la fratrie[6] ou le retour brutal d’enfants d’un jeune âge ayant vécu quatre ans avec leur mère[7]. Les griefs doivent donc être suffisamment caractérisés pour justifier le danger et par conséquent le non-retour.
- La volonté de l’enfant
En outre, l'autorité judiciaire ou administrative peut aussi refuser d'ordonner le retour de l'enfant si elle constate que l’enfant lui-même s'oppose à son retour et qu'il a atteint un âge et une maturité qui justifient que sa volonté soit prise en compte.
Cependant, en l’absence de danger futur avéré, la seule opposition de l’enfant ne peut justifier le rejet de la demande de retour[8].
- Le respect des principes fondamentaux de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentale
L’article 20 de la Convention de La Haye prévoit ainsi que le retour de l’enfant peut être refusé quand il ne serait pas permis par les principes fondamentaux de l'Etat requis sur la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La Cour de cassation a adopté une interprétation stricte des exceptions au retour de l’enfant dans l’Etat où il a sa résidence habituelle.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH)[9] a également fait le choix d’une interprétation stricte des exceptions.
Elle l’a notamment rappelé dans son arrêt ROUILLER C/ SUISSE de 2014[10] dans lequel l’autorité parentale était exercée en commun, et la résidence principale des enfants fixée chez la mère en France.
Dans ce cas d’espèce, la mère avait déménagé de France en Suisse contre l’avis catégorique du père (pourtant détenteur avec la mère de l’autorité parentale).
La Cour a précisé que le souhait exprimé par l’un des enfants de rester en Suisse ne suffit pas à justifier le non-retour.
Les juges nationaux doivent rendre leurs décisions au regard des exceptions visées par la Convention de La Haye par une motivation suffisamment circonstanciée – c’est-à-dire, appuyée sur les données de l’espèce – tout en sachant que ces exceptions doivent être d’interprétation stricte.
En collaboration avec Maître Marina LECHERVY et Mlle Clémence JOZ
[1] Articles 12, 13 et 20 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980
[2] Article 12 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980
[3] Civ. 1ère, 9 juillet 2008
[4] CEDH, sect. I, 6 novembre 2008
[5] Civ. 1ère, 12 décembre 2006
[6] Civ. 1ère, 12 décembre 2006
[7] Civ. 1ère, 22 juin 1999
[8] Civ. 1ère, 14 février 2006
[9] La Cour Européenne des Droits de l’Homme est une Cour internationale instituée en 1959 par le Conseil de l’Europe qui a pour objet d’assurer le respect des engagements souscrits par les 47 Etats signataires de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
[10] CEDH, 22 juillet 2014, n° 3592/08
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